mardi 2 août 2011

La saviez-vous déguster ?


En Russie, on boit la vodka selon certains cérémoniaux qui diffèrent selon les buveurs. Mais certains fondamentaux ne changent pas. 

Déjà, contrairement aux vodka-pomme ou autres black russians, c’est pur et en petit verres de 5 cl, les shots comme on dit par chez nous. Ensuite, il faut se procurer des zakouskis, qui ne sont pas des hors-d’œuvre comme je le croyais, mais des grignottis de toutes sortes que l’on avalera juste après avoir bu. Cela peut-être du pain, des fruits, du jambon ou du chocolat. J’ai une fois essayé avec des Pringles® mais les russes m’ont regardé l’air écoeuré.

Et puis il y a un truc avec la respiration. Certains respirent fort avant le shot, comme s’ils allaient plonger en apnée. D’autres collent leur nez sur le zakouski pour le humer pendant quelques secondes, puis engloutissent la vodka, la gardent en bouchent le regard lointain, sentent à nouveau la nourriture, avalent d’un gloups le liquide et immédiatement après mangent. Le point commun entre tous est cet air pénétré qu’ils affichent avant l’acte, comme s’ils allaient tirer un péno. 

Enfin, on boit toujours à quelque chose : la rencontre heureuse, l’amitié éternelle, les bons voyages. Plus rarement à la tienne Etienne.

Le Russe et le russe

Le Russe parle russe, même si on lui a fait comprendre qu’on ne parle pas russe. Je crois comprendre que le Russe ne comprend pas que l’on ne comprenne pas le russe. Il m’est arrivé d’avoir des « conversations » de plusieurs heures sans que la personne ne lâche le morceau.

Toudou-toudou


Des tapis et des rideaux à pompons rouges et or, une hôtesse de wagon blonde en uniforme, un samovar d’un autre âge à une extrémité du couloir. A part ça le Transsibérien est un train comme les autres. Il fait toudou-toudou, toudou-toudou, peut avoir cinq heures de retard et comporte un espace fumeurs entre les wagons. Et on ne peut ouvrir les fenêtres qu’un tout petit peu parce qu’e pericoloso sporgiersi. Comme les vrais trains de mon enfance.

Cela dit, il est rare de passer plus de trente heures dans un espace aussi confiné. Qu’y faire sans livre, sans journal, sans ordinateur ? Le paysage est très monotone, les arrêts rares, les passagers russes et il est interdit de passer dans le wagon voisin. On se prend à se demander ce que font les prisonniers, à quatre dans une cellule aussi petite. Sauf qu’eux n’ont droit ni au couloir, ni au paysage très monotone. 
 Alors on fait à manger, thon et maïs à même le tuperroir. On lave le tuperroir avec l’eau chaude du samovar. On prend des photos du paysage monotone. On les efface parce qu’elles sont décidément trop monotones. On joue avec les pompons rouges. On essaye de comprendre à quelle heure arrivera le train sachant qu’il a un certain retard et que l’heure indiquée sur le billet est celle de Mockba, pas celle du fuseau horaire dans lequel on se trouve. On essaye déjà de comprendre dans quel fuseau horaire on se trouve. On se plonge dans le guide de conversation english-ruski dans l’espoir de retenir quelques mots, expressions ou calembours. On se relève pour da-niet. On essaye de faire comprendre aux russes qui nous parlent qu’à part un calembour foireux on ne parle pas leur langue. On révise « je ne comprends pas le russe » dans le guide de conversation. On constate qu’ils comprennent la phrase et son sens, mais qu’ils s’obstinent à parler en russe. Du coup, la phrase qu’on connaît le mieux est « je ne comprends pas le russe » (ya nié panimayu, c’est facile, il faut penser à un panier rempli de mayonnaise).

Finalement, trente-six heures plus cinq de retard, c’est vite passé.

lundi 25 juillet 2011

L'ami du lac


Attendre. Combien de temps, on ne sait pas. On a juste compris qu’il fallait attendre. Nos places nous sont allouées dans le minibus, Céline et les enfants devant et moi au fond. On s’estime heureux d’avoir trouvé ce minibus pour les rives du lac Baïkal à la gare ferroviaire d’Ulan Ude. Alors attendre quelques minutes, on va pas faire nos difficiles. Deux couples et une maman et son fils occupent déjà six sièges. On comprend vite qu’il nous faudra attendre jusqu’à ce que le minibus soit plein pour partir. Il reste encore trois places disponibles avant que tous les sièges soient occupés, strapontins et place du mort inclus. Un coréen bedonnant se pointe et discute avec le chauffeur. Mais non, la destination ne lui convient pas. On est mal barrés.

Du coup, le chauffeur disparait fumer des clopes avec ses collègues. Bon, pas de stress, on a le temps d’aller acheter de l’eau, des biscuits, du Coca (prononcer « Couca »). Clope. Clope. Les cents pas devant le minibus pendant une heure et demi. Jusqu’à ce qu’une petite poupée se pointe, talons hauts comme ça,  jean moulant, décoloration et faux-cils. Vroum ! On démarre, à treize, dans ce minibus qui roule à fond sur les routes qui nous paraissent du velours par rapport à celles de Mongolie.

On est débarqués au bout d’une route en terre qui longe le lac Baïkal. Ambiance camping populo qui n’est pas pour nous déplaire. Mon voisin de devant (de dans le bus) me parle en russe et m’invite à je-sais-pas-quoi. Il me pointe son index sur la gorge et j’ai un peu peur. Mais il parait amical. Ce que je prends pour une menace de me poinçonner la gorge est une invitation à boire un coup. C’est comme ça que font les Russes.
 Ballade en fin d’après-midi au bord du lac qui, le saviez-vous, est le plus grand du monde. Ou tout du moins la plus grande réserve d’eau douce de la planète : près de mille kilomètres de long (et quatre-vingt de large, ridicule). Je pense qu’on peut le voir depuis la Grande Muraille de Chine, mais je ne suis pas sûr. Les enfants veulent se baigner, moi aussi, Céline moins. Des pédalos d’un autre âge jonchent la plage, très étroite que longe la route. Une aire de jeu déglinguée, des bateaux couverts de rouille échoués, des tentes et des barbecues ça et là. Et partout de la grosse disco russe à fond la caisse provenant des voitures toutes portes ouvertes.

Le Sibérien, habitué à des moins quarante en hiver, entre en plein vent dans les treize degrés du lac sans sourciller. Je ne dépasse pas le mi-cuisses. L’eau est orange comme si elle avait rouillé. Les enfants ressortent frigorifiés, il est temps de rentrer.

Plus tard dans la soirée, Slava, mon Russe du bus, et sa femme Iulia déboulent dans l’isba avec une bouteille de vin rouge, une de vodka, du chocolat pour les enfants et deux poissons fumés. Sans comprendre un traître mot de la langue de l’autre, nous passons toute la soirée à parler, boire et manger. Et dessiner, ça aide à se comprendre. Lui travaille pour l’armée, la programmation, le cosmos, tout ça. Il est interdit de sortie du territoire pendant 4 ans, because top secret. Après ils viendront passer dix jours à Paris. Nous trinquons une dernière fois, à l’amitié éternelle.

dimanche 17 juillet 2011

Tranches de yourtes


Il est huit heures du matin et Tsolmon entre dans la yourte sans frapper. Nous sommes encore tous blottis dans nos lits, sous les lourdes couettes en poil de je-ne-sais-quoi-mais-c’est-chaud. Elle, est levée depuis quatre heures. Elle porte un grand seau cabossé rempli de carburant pour le poële central de la yourte. Ici, pas un arbre à l’horizon, pourtant infini. C’est donc à l’aide de bouses séchées que l’on se chauffe. Elle bourre le poële, brisant à la main les crottes trop grosses pour rentrer et y met le feu, patiemment. Ca a du mal à partir, mais une fois embrasé, ça dégage une de ces chaleurs ! Et une petite odeur aussi. Mais pas désagréable, un peu âcre et tourbé. Puis, toujours sans un mot, Tsolmon ressort vaquer à l’une des mille tâches qui ponctuent sa longue journée. Je me retourne dans mon lit. Il n’y a pas de moulin en Mongolie.


Dans une ambiance très Front Populaire, en ce week-end post-Naadam, beaucoup d’habitants d’Ulaanbaatar passent la journée à la campagne, au Parc de Terelj, à une heure de la capitale. Les uns pique-niquent en famille. Une énorme marmite fume au-dessus d’un feu de bois. A côté, une peau de mouton encore sanguinolante commence de sécher. La tête, les tripes, la queue sont symétriquement disposés dans l’herbe. Un homme m’ouvre fièrement le couvercle de la marmite pour me montrer tous les morceaux de la bête qui y bouillent. Ils seront une douzaine autour de la nappe et ramèneront les reste encore chauds à la fin du week-end. Je me demande si le mouton était encore vivant en arrivant à Terelj.


Golden Gobi. C’est le nom de la bière que nous sirotons dans le doux soleil qui n’en finit pas de décliner. Fait irruption un mastard, caleçon de bain et lunettes de soleil. Visiblement saoul mais amical, il me demande une cigarette et engage la conversation. J’avais remarqué dans l’après-midi ses deux griffures rouges sur le ventre. Lui et sa bande de copains sautaient du pont en fer, pas très haut mais assez pour que ceux qui le traversent s’attardent. Griffures non pas dues aux plongeons à ras des rochers, comme je le pensais, mais à la lutte. Truu est un lutteur mongol, un champion, nous dit-il.  Tout comme ses amis qu’il nous invite à rejoindre, là-bas, de l’autre côté de la rivière, sous le bois. Chiche ! « Let’s go ! »

Bien moins saouls et bien plus anglophones, ses amis, encore torses nus malgré la fraîcheur du début de soirée, nous accueillent chaleureusement. Ils nous offrent leur dernier plongeon dans les eaux froides de la rivière, depuis la rambarde du pont. Le Mongol est bravache. Il décapsule à la dent. Cela malgré dix années aux USA, une carrière dans la banque ou un diplôme de management passé à Londres. Beaucoup de nos hôtes sont fonctionnaires et ont passé des années à l’étranger. Ils ont la trentaine, s’inquiètent de ce qu’on pense de leur pays, de leur culture.

Avant que nous n’ayons à rentrer nourrir et coucher notre progéniture, nous collectons du bois pour le feu et d’autres vont acheter vodka et sodas. Un verre de l’un, une gorgée de l’autre. Tandis que l’unique gobelet tourne, Orgilmaa chante. Point de chant traditionnel mongol, mais des gros tubes américains ou du rap d’Ulaanbaatar. Tout fout l’camp.

Une dernière photo de toute la bande et nous rentrons dans notre yourte, faire chauffer les baked beans sur le poele de notre tourist-ger. 

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Deux nouveaux « collocs » ce soir dans le trois pièces que nous occupons depuis huit jours à UB. Deux jeunes Suisses de Fribourg. Pas très communicatifs nous a dit Bilegt, notre logeuse-tour opératrice. On arrive à briser la glace pour échanger nos impressions sur le pays et sur le voyage en général. Ils voyagent beaucoup et on un regard très critique sur chacune de leur destination. Tel pays est trop sale, la nourriture abjecte, tel autre trop touristique, tel autre pas terrible ou encore voué à un échec économique certain. Ils n’ont pas forcément tort. Mais je ne crois pas avoir entendu quoique ce soit de positif dans leur récit de voyage.  Ils continueront à voyager malgré tout pour se sentir mieux à Fribourg. Je les déteste.

mardi 12 juillet 2011

Je golri avec le golmon


Voyage ne rime pas uniquement avec enrichissement de soi et découverte de l’autre (ou vice-versa). On peut aussi se bidonner parfois, tout en s’instruisant.

Aujourd’hui, la yourte.

La yourte est omniprésente en Mongolie et ce n’est pas que pour le folklore. Ils s’en servent vraiment ! Déjà, à Ulan Bator, j’en ai compté pas moins de quinze sous nos fenêtres, dans les terrains vagues qui entourent les chantiers sur lesquels nous donnons. Des familles de SDF les y plantent et les y déplantent au gré de l’espace disponible ou des saisons. Pas vraiment des yourtes enrichies, autant vous dire. Plutôt des yourtes vulgaires.  

Dans la steppe, il ya bien sûr des yourtes plus nature, parfois par packs de 6 ou 12. Là, les habitants des yourtes ont la banane, malgré leurs dures conditions de vie. En été, les éleveurs se lèvent à 4 h du matin pour traire et finissent à 23 h. Pas question d’être aux fraises. Le mari et la femme habitent sous le même toit : il n’y a pas la yourte au mec et la yourte à la nana.

En Mongol, on ne dit pas yourte, on dit « ger ». Prononcer « guerrrrr ». Conçue pour durer, certaines ger ont cent ans. Peu de confort comme dans un habitat nomade : des lits, un poële, quelques coffres, on y vit à la ger comme à la ger, mais avec beaucoup de superstitions : on ne marche pas sur le seuil sous peine de malchance, on entre dans le sens des aiguilles d’une montre ou bien c’est la poisse et il ne faut jamais pointer son couteau vers le feu central, sinon c’est la guigne (là les mongols s’écrient :  « Arrrh, la ger, grosse malheur »). Imaginez des enfants français là-dedans… Quelle connerie la ger, barbares, ha !

Sinon, le gouvernement mongol travaillerait sur un projet de ger des étoiles. Mais j’y crois guère.

Enfin, ce qui est le plus drôle ici, à part qu’ils sont tous complètement mongols, c’est que la monnaie s’appelle le tugruk. Vérifiez, c’est pas une blague.