dimanche 10 avril 2011

Bien, Malacca me profite

De Kuala Lumpur, je préférerais garder mon premier souvenir d'il y a huit ans, quand j'y avais fait escale pour un voyage au Vietnam : celui d'un aéroport glacé, ennuyeux, où il fallait tuer le temps sans un ringgit en poche, complètement décalé horairement et culturellement parlant. J'avais été surpris d'y voir des femmes voilées, ignorant que la Malaisie était un pays essentiellement musulman. Je ne rappelle pas avoir essayé d'y boire une bière, ça me serait resté un aéroport sans bière. Ce devait être l'heure du petit déjeuner.

Ce piètre souvenir est pourtant meilleur que celui que je garderai des trois jours passés à Kuala Lumpur cette année. J'avoue n'en avoir pas vu grand chose, coincé par la chaleur écrasante, la fatigue et des questions administratives à régler, dans un condominium de périphérie.
Notre hôte Elodie s'est pourtant mise en quatre pour nous emmener dans un temple, une école d'escalade, des cantines indiennes où l'on mange avec les doigts, un spectacle de danse folklorique assez folklo, un atelier de batik, un marché nocturne...

Mais pour chacune de ces sorties, ce sont des heures de voiture surclimatisée. Des dizaines d'autoroutes découpent la capitale, au milieu des méga-tours et des méga-malls anarchiquement poussés. Par dizaines, par centaines, des chantiers imposeront bientôt de nouvelles méga-tours, de nouveaux méga-malls ou de nouvelles autoroutes, repoussant encore plus loin la jungle présente ici voici seulement cinq ans.



Quand il nous a été enfin possible de quitter la voiture frigorifique, un soir, ce fut pour marcher sur un bitume surchauffé, parmi des clims dégueulant leur air brûlant, entourés de bretelles d'autoroutes, de ponts en béton ou de gigantesques hôtels. Nous visions pourtant Bukit Bintang, quartier animé et central. On se serait crus sous le périph', Porte de Bagnolet. En plus, le nom de la ville est usurpé : pas la queue d'un seul koala !

Le reste de notre court séjour en Malaisie est guère plus réjouissant : des palmeraies à pertes de vue à la  place de la jungle et de sa bio-diversité, des plages magnifiques vitriolées au béton, des criques sublimes jonchées de plastiques, des rues sans arbres par 35 à l'ombre, des moustiques agressifs, des bars sans bière, des immeubles sans passé et sans habitants, des 4x4 vrombissants, des camions fumants, un chauffeur de taxi hurlant au téléphone, à 160 au lieu de 110.

Et puis, il y a Malacca.

Aaah, Malacca ! Petite ville chargée d'histoire (et de géographie) dont j'ignorais tout en y arrivant sinon que c'est une cité charmante. Charmante, tu parles ! Une redoutable séductrice, oui ! Qui vous fait braver la canicule pour pouvoir déambuler dans son vieux quartier chinois. Qui vous attire dans la foule de son marché de nuit. Qui vous envoûte de sa cuisine nyonya, issue des métissages sino-malais. Qui vous tient éveillé tard aux terrasses de ses cafés aux sonos pourtant assourdissantes. Enfin une réelle identité, des traits marqués, sans lifting, gracieux.

Les vieilles maisons portugaises, chinoises, hollandaises, sont admirablement conservées. Pourtant on ne se croit ni dans un musée, ni à Disneyland, plutôt dans un vieux grenier où l'on découvre, défraîchis par le temps mais intacts, quelque objet d'un autre âge. Quel plaisir d'y flâner, même s'il n'y a pas de place pour le piéton, proie facile des voitures qui le rasent. De temps en temps, un trou dans la circulation permet de prendre en photo une façade tantôt sobre et élégante, tantôt grosse pâtisserie pastel.

Une ville où l'on s'imagine bien refaire sa vie.

P.S.: Ma mauvaise foi m'a volontairement fait omettre certaines facettes de la Malaisie : le passionnant multi-culturalisme malais-chinois-indien, les sourires qui ressortent davantage sous le voile, la gentillesse et la simplicité, le bateau qui glisse sur la rivière où clignotent des milliers de lucioles, les yeux du silver-leave monkey quand on lui procure un bout de haricot vert.

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