dimanche 17 juillet 2011

Tranches de yourtes


Il est huit heures du matin et Tsolmon entre dans la yourte sans frapper. Nous sommes encore tous blottis dans nos lits, sous les lourdes couettes en poil de je-ne-sais-quoi-mais-c’est-chaud. Elle, est levée depuis quatre heures. Elle porte un grand seau cabossé rempli de carburant pour le poële central de la yourte. Ici, pas un arbre à l’horizon, pourtant infini. C’est donc à l’aide de bouses séchées que l’on se chauffe. Elle bourre le poële, brisant à la main les crottes trop grosses pour rentrer et y met le feu, patiemment. Ca a du mal à partir, mais une fois embrasé, ça dégage une de ces chaleurs ! Et une petite odeur aussi. Mais pas désagréable, un peu âcre et tourbé. Puis, toujours sans un mot, Tsolmon ressort vaquer à l’une des mille tâches qui ponctuent sa longue journée. Je me retourne dans mon lit. Il n’y a pas de moulin en Mongolie.


Dans une ambiance très Front Populaire, en ce week-end post-Naadam, beaucoup d’habitants d’Ulaanbaatar passent la journée à la campagne, au Parc de Terelj, à une heure de la capitale. Les uns pique-niquent en famille. Une énorme marmite fume au-dessus d’un feu de bois. A côté, une peau de mouton encore sanguinolante commence de sécher. La tête, les tripes, la queue sont symétriquement disposés dans l’herbe. Un homme m’ouvre fièrement le couvercle de la marmite pour me montrer tous les morceaux de la bête qui y bouillent. Ils seront une douzaine autour de la nappe et ramèneront les reste encore chauds à la fin du week-end. Je me demande si le mouton était encore vivant en arrivant à Terelj.


Golden Gobi. C’est le nom de la bière que nous sirotons dans le doux soleil qui n’en finit pas de décliner. Fait irruption un mastard, caleçon de bain et lunettes de soleil. Visiblement saoul mais amical, il me demande une cigarette et engage la conversation. J’avais remarqué dans l’après-midi ses deux griffures rouges sur le ventre. Lui et sa bande de copains sautaient du pont en fer, pas très haut mais assez pour que ceux qui le traversent s’attardent. Griffures non pas dues aux plongeons à ras des rochers, comme je le pensais, mais à la lutte. Truu est un lutteur mongol, un champion, nous dit-il.  Tout comme ses amis qu’il nous invite à rejoindre, là-bas, de l’autre côté de la rivière, sous le bois. Chiche ! « Let’s go ! »

Bien moins saouls et bien plus anglophones, ses amis, encore torses nus malgré la fraîcheur du début de soirée, nous accueillent chaleureusement. Ils nous offrent leur dernier plongeon dans les eaux froides de la rivière, depuis la rambarde du pont. Le Mongol est bravache. Il décapsule à la dent. Cela malgré dix années aux USA, une carrière dans la banque ou un diplôme de management passé à Londres. Beaucoup de nos hôtes sont fonctionnaires et ont passé des années à l’étranger. Ils ont la trentaine, s’inquiètent de ce qu’on pense de leur pays, de leur culture.

Avant que nous n’ayons à rentrer nourrir et coucher notre progéniture, nous collectons du bois pour le feu et d’autres vont acheter vodka et sodas. Un verre de l’un, une gorgée de l’autre. Tandis que l’unique gobelet tourne, Orgilmaa chante. Point de chant traditionnel mongol, mais des gros tubes américains ou du rap d’Ulaanbaatar. Tout fout l’camp.

Une dernière photo de toute la bande et nous rentrons dans notre yourte, faire chauffer les baked beans sur le poele de notre tourist-ger. 

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Deux nouveaux « collocs » ce soir dans le trois pièces que nous occupons depuis huit jours à UB. Deux jeunes Suisses de Fribourg. Pas très communicatifs nous a dit Bilegt, notre logeuse-tour opératrice. On arrive à briser la glace pour échanger nos impressions sur le pays et sur le voyage en général. Ils voyagent beaucoup et on un regard très critique sur chacune de leur destination. Tel pays est trop sale, la nourriture abjecte, tel autre trop touristique, tel autre pas terrible ou encore voué à un échec économique certain. Ils n’ont pas forcément tort. Mais je ne crois pas avoir entendu quoique ce soit de positif dans leur récit de voyage.  Ils continueront à voyager malgré tout pour se sentir mieux à Fribourg. Je les déteste.

2 commentaires:

  1. j'en reprendrais bien quelques tranches ;-) ... Suis bien contente tu rentres bientôt et à lire ton dernier bout de texte (au passage, moi aussi je les déteste) et tous tes autres textes savoureux que tu as écris, on voit clairement tout ce que ce long voyage t'auras apporté. Le monde est vaste, il est terrible mais il est beau aussi et les humains, pareils, c'est une belle chance que vous vous êtes donnés d'aller au devant de tout ça, de le toucher de près... même pour une partie seulement, à l'est...
    Riche Homme ! ;-)

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  2. Merciii Véro. T'as tout compris. Bises.

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